Interview #3// Dusty Mush

16 heures, concentrés, fronts plissés, ils installent leur matériel et effectuent leurs réglages. Quelques heures avant d’enfiévrer la salle du Shakirail, entrepôt reconverti de la SNCF, Cédric (guitare et chant), Maxime (batterie) et Romain (basse) se retrouvent autour d’un petit feu alimenté par d’anciens livres aux pages jaunies. Ils fument des cigarettes dont ils jettent les mégots dans les braises. Bière après bière, attendant le moment fatidique, Romain soupire « C’est trop long, j’en ai marre ». Tous acquiescent.

À la lumière criarde des néons le public s’agite sauvagement. Une cinquantaine de personnes fourmillent à l’intérieur, tout autant à l’extérieur. Ils avalent leurs bières, rient bruyamment. Le personnel garde les portes. Plus personne ne rentre. 22h30, Dusty Mush commence une grande ascension musicale psychédélique ponctuée des « Ouh » réverbérés du chanteur. La chaleur monte. Bousculades. Son lo-fi et électrique entêtant, les riffs s’étendent, le fuzz rugit, comme de longues distorsions Oh Seesiennes. À bout de souffle mais souriant, fin de concert réussie pour Romain.

Nous les avons rencontré le temps de revenir sur leurs meilleurs moments de scène. Récit de leurs souvenirs.

Qu’est ce que vous attendez d’un live?

Cédric : Ça dépend de ce qu’on va voir. Si c’est un truc local on va s’attendre à ce que ça bouge un peu, qu’il y ait de l’énergie, mais en tout cas quand je vais dans les grosses salles je m’attends à ce que le son soit vraiment bien, que j’en ai pour mon argent. Les petits groupes faut qu’y ait de l’énergie pour que ça rattrape le son qui est souvent pas terrible. On a besoin qu’ils soient dans leur musique, qu’ils prennent plaisir. Qu’ils jouent pas forcément bien, ça on s’en fout.

Quand vous allez jouer vous attendez quoi de vous-même?

Romain : Qu’on fasse pas de la merde déjà, on essaye de minimiser les erreurs, de bien jouer,  qu’il y ait de l’énergie et que les gens s’amusent.

Cédric : Ça danse pas vraiment mais quand il y a de l’énergie les gens gens savent bouger. Même si y a personne on essaye d’être à fond dedans mais c’est pas évident. Ce qui te met dedans c’est quand les gens tombent devant toi, quand les mecs gueulent entre les morceaux… C’est vrai que c’est dur quand t’as un public calme. Tu l’es aussi du coup. Pour d’autres groupes ça doit pas déranger mais dans notre style c’est assez fondamental. Les morceaux ressortent pas forcément comme il faudrait quand peu de monde est là. Mais on va pas essayer de chauffer le public, plus t’essaye plus tu le mets mal à l’aise, faut que ce soit naturel. Il suffit juste de trois gars qui commencent à bouger après ça entraine le reste.

Ça a été quoi votre meilleure expérience live?

Cédric : On va dire Barcelone. On était en tournée avec un groupe d’Afrique du Sud et les gens étaient complètement tarés ça bougeait dans tout les sens. Juste le fait d’être loin et que ça se passe bien c’est cool. En général quand on va à l’étranger on est content. On a dû faire des concerts aussi bien à Paris et en France mais là c’était vraiment marrant. Chaque concert a son truc. C’est insolite là de jouer dans un squat qui appartient à la SNCF.

Romain : On fait une fixette sur le monde mais c’est vrai que ça fait tout. Tu peux jouer sur une bête de scène si personne n’est au rendez-vous ça fout le cafard. Autant jouer tout seuls en répèt chez nous. Une fois en Italie, à Turin, on a joué devant 7 personnes vers minuit. C’était triste.

10647104_597264977043885_3570139328165557463_n

Votre meilleure expérience de live en tant que spectateur ?

Cédric : Moi ça va être hyper cliché mais c’était Thee Oh Sees au Trabendo. Le son était nickel, c’était la meilleure période, ils étaient au summum de leur carrière et dans une bonne salle. Ça m’avait vraiment marqué.

Romain : Il n’y a rien de fou ces derniers temps. J’ai vu plein de concerts mais rien ne m’a donné des frissons. C’est moi, je suis peut-être blasé. Quand on était jeune on allait voir un concert tout les six mois, une grosse tête d’affiche et on était tout content. Ah si, on a fait un Ty Segall dans une salle de théâtre avec les sièges avec tout juste deux mètres pour être debout, c’était dingue y avait vraiment une ambiance folle. J’aime bien la proximité.

Maxime : Night Beats à la Mécanique Ondulatoire c’était génial. Maintenant ces groupes passent dans des grandes salles. C’est des groupes de garage qui sont dans l’énergie du coup ça perd en qualité. Bon c’est bien pour eux, c’est la suite logique…

Ce serait votre truc? Vous aimeriez passer à un autre level?

Cédric : Je sais pas si on aimerait mais c’est vrai que ça ferait plaisir. C’est pas notre but ultime, l’idée à l’époque c’était jouer à la Mécanique Ondulatoire et c’est arrivé super vite. C’est grâce à Tom ça. Maintenant les grosses salles ça nous fait pas rêver parce que c’est décevant les groupes comme nous dans ces conditions. Peut-être qu’on va continuer à jouer dans les caves parisiennes pour toujours.

Romain : Je pense que c’est personnel. Ce qui me saoule un peu dans ces grosses salles c’est que si t’es pas là deux heures à l’avance tu vois rien, t’es tout derrière.

Maxime : Après t’as des groupes qui passent bien, je me rappelle Brian Jonestown Massacre j’étais loin mais j’avais aimé parce que c’est des techniciens, t’as juste besoin de les écouter. Pareil pour White Fence, t’as pas besoin d’être devant, tu ressens le groupe.

Chayma Mehenna

Chayma Mehenna

Culture enthousiaste et passionnée d'arts et de musique particulièrement de garage et psych rock.